La dune du Pilat n'a pas toujours existé :
Voici l'histoire méconnue de cette géante de sable
Haute de 106 mètres, la dune du Pilat est depuis des dizaines d’années un site historique du département de la Gironde. Mais qu’est-ce qu’il y avait avant l’apparition de cette énorme bosse de sable ?
D’un point de vue archéologique, la dune du Pilat a « seulement » 150 ans. Les prémisses de l’histoire du site de la dune remontent, elles, à près de 4 000 ans.
À cette époque, un plancher de sable complément plat règne entre l’océan et la forêt.
Un marécage semé de chênes et de pins
En -4 000 avant J.-C., une zone de marécage se situe à l’emplacement de l’actuelle dune. De nombreux arbres dont des chênes et des pins sèment le « plateau landais », aujourd’hui enfoui sous le sable.
C’est le paysage décrit par les archéologues, qui ont travaillé pendant des années sur l’évolution du site, pour remonter son histoire. Parmi eux, Philippe Jacques est un fin connaisseur de ce récit.
Il étudie et fouille la dune depuis 1979 à la recherche d’indices et de preuves d’évolution. « Quand j’ai commencé, on avait des découvertes pas très bien documentées et on avait du mal à comprendre ce qui s’était passé », raconte l’archéologue bénévole.
Les couches de la dune : la machine à remonter le temps
Les scientifiques ont alors décidé de reprendre les fouilles pour lancer une recherche approfondie. « On a trouvé des vestiges dans différentes couches caractéristiques de plusieurs époques », explique Philippe Jacques.
Pour comprendre ce que sont ces couches, aussi appelés paléosols, il faut imaginer que du sable a été transporté par le vent à plusieurs périodes de l’histoire. Ce sable a recouvert progressivement la plage pour former des dunes. Ainsi, les grains les plus enfouis sont aussi les plus vieux.
Des restes archéologiques peuvent être retrouvés et datés dans les paléosols afin de reconstituer le paysage présent à leur époque.
Au niveau du paléosol le plus vieux (-4 000 ans) situé aujourd’hui à hauteur de la plage du Pilat, des outils en silex datant de la préhistoire ont par exemple été retrouvés.
Les quatre paléosols de la dune du Pilat, dont le plus vieux est du côté de la plage et le plus récent à proximité du sommet.
Cinq mètres plus haut que l’actuelle plage, du mobilier en céramique typique de la protohistoire (-2 500 à -500 avant J.-C.) a été découvert au niveau du « paléosol 2 ».
Selon les traces archéologiques, un étang que des hommes exploitaient pour son sel existait à ce moment. « Il y a toute une économie qui commence à apparaître », développe Philippe Jacques.
La végétation reste la même mais de premiers tas de sable naissent sous l’effet du vent.
L’apparition des premières grandes dunes
À partir de -1 000 avant J.-C., de premières dunes hautes de 20 à 40 mètres se forment en raison d’un climat plus venteux. La zone de marécage disparaît sous l’arrivée du sable.
Il faut attendre le 16ème siècle et le retour d’un climat plus frais pour que de nouveaux pins maritimes se développent.
Dès les années 1500, un climat marqué par des vents violents emporte le sable vers les anciennes dunes, les villages et les cultures. Tout est recouvert par 50 mètres de sable. Résultat : une nouvelle dune unique de 100 mètres de hauteur appelée la dune de la Grave.
La naissance de la dune du Pilat
Un décret consulaire datant de 1801 indique la mise en place d’une tentative de fixation de la dune pour l’empêcher de reculer vers les cultures. Mais rien n’y fait, la dune de la Grave progresse sous l’effet de l’érosion et de l’avancée du trait de côte.
Elle finit elle-même par être engloutie par la plus haute dune que connaîtra le site jusqu’à ce jour : la dune du Pilat.
Quels vestiges de l’histoire de la dune peut-on voir à l’œil nu de nos jours ? « Rien du tout », répond Philippe Jacques. Une exception est faite à chaque hiver lorsque le sable est rassemblé par le vent vers le sommet de la dune.
Le premier paléosol, le plus vieux, s’affiche sous la forme d’un sol noir et d’un témoin de 4 000 ans d’histoire.